Le blocus contre Cuba, plus injuste que jamais
En plus d’être le plus long de l’histoire, Le blocus des États-Unis contre Cuba est aussi le plus injuste. Sans cesse renforcé, assoupli qu’en apparence, son seul objectif est de réduire les capacités de résistance du peuple cubain.
Ainsi s’exprimait le 6 avril 1960, le sous-secrétaire d’État assistant aux Affaires interaméricaines Lester Mallory : « Une mesure qui pourrait avoir un impact très fort serait de refuser tout financement et livraison à Cuba, ce qui réduirait les revenus monétaires et les salaires réels, et provoquerait la famine, le désespoir et le renversement du gouvernement. » En clair, le blocus imposé par les États-Unis à Cuba depuis février 1962 est fondé sur une logique de sabotage. Alors que Cuba fait désormais face au coronavirus, le pays est en difficulté pour bénéficier de la solidarité internationale.
Cargaison bloquées et rachats d’entreprise
Le 1er avril, une cargaison destinée à la Havane comportant notamment 100 000 masques, 10 kits de diagnostics et des appareils respiratoires a été immobilisée en Chine. Donation de l’entreprise Alibaba, le cargo aérien était assuré par un transporteur américain. Lors des dernières formalités, ce dernier a décliné la commande du fait de la pression des autorités américaines. Une information confirmée sur son compte Twitter par Carlos Miguel Pereira Hernandez, ambassadeur de Cuba en Chine. Deux semaines plus tard, le 14 avril, venait le tour des commandes d’appareils respiratoires aux Etats-Unis. Selon le média Prensa Latina, les deux fabricants suisses qui participaient à la transaction, IMT Medical AG et Acutronic, ont été rachetés au dernier moment par la société Vvaire Medical Inc. Cette dernière a donné la raison de l’annulation à Medicuba SA (société cubaine chargée de l’importation du matériel médical) : « La seule façon pour nous de reprendre la vente serait que nous obtenions une licence de l’OFAC, délivrée par le Département du Trésor des États-Unis. Et cette licence, nous ne l’avons pas encore. » Inutile de mentionner qu’ils peuvent toujours attendre. La délivrance des licences est précisément le moyen par lequel les sanctions américaines sont renforcées. L’OFAC, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers, a justement pour fonction d’empêcher Cuba (et les autres États faisant l’objet de « sanctions à l’échelles d’un pays »), de recevoir de l’aide. Les seules entreprises qui peuvent encore envoyer du matériel à Cuba sont celles qui conservent ces licences, dont certaines arrivent prochainement à expiration.
Les sanctions américaines, appliquées au monde entier…
Ordonné à la suite des nationalisations lancées par Fidel Castro au lendemain de la Révolution, le blocus économico-financier des États-Unis visant Cuba n’a eu de cesse de se renforcer. Les sanctions visaient dès le départ toutes les personnes physiques et morales de nationalité américaine qui entraient en contact avec Cuba. Les pays qui soutenaient les États-Unis décidaient également de cesser tous leurs échanges avec l’île.
Un nouveau pas était franchi avec les lois Torricelli de 1992, interdisant notamment l’entrée aux États-Unis à tout navire ayant récemment accosté sur les côtes cubaines. Des lois qui confèrent au blocus un caractère rétroactif et extraterritorial, illégal en droit international, puisque la dépendance économique de nombreux pays aux États-Unis est ainsi mise au service d’un blocus décidé unilatéralement. L’extraterritorialité a finalement été étendue avec la loi Helms-Burton en 1996, qui permet aux ressortissant américains et aux exilés cubains de poursuivre devant les tribunaux américains n’importe quelle entreprise ayant effectué une transaction incluant des biens nationalisés par la révolution cubaine. C’est ainsi que des amendes ont été infligées à des dizaines d’entreprises non-américaines depuis les années 2000. Des décisions de justice complètement souvent absurdes, à l’image d’une amende infligée à une compagnie aérienne espagnole, coupable d’avoir fait escale à Miami alors qu’elle avait transporté du tabac cubain quelques jours plus tôt.
…Aussi bien qu’aux États-Unis
Au cœur de la surveillance américaine se trouve le Bureau de contrôle des avoirs étrangers (OFAC), chargé d’inspecter toutes les activités d’import-export des entreprises américaines ayant « trafiqué » avec Cuba. Une surveillance qui ne laisse rien passer : envois de fonds en enveloppe de billets, traces de cacao cubains dans des plaquettes de chocolat suisse ou composants comportant des traces de nickel cubain, mais aussi la saisie, en 2011, d’un montant de 4,2 millions de dollars versés à Cuba par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le rôle machiavélique de l’OFAC ne s’arrête pas là, puisqu’il attribue, dans des conditions opaques, des licences spéciales. En 2000, les sanctions portant sur les entreprises acheminant des biens alimentaires et du matériel médical à Cuba avaient été partiellement levées.
Fin 2019, le Président Donald Trump a étendu les pouvoirs de l’OFAC, avec une facilité déconcertante, qui ne faisait que prouver la supercherie des prétendus « assouplissement » des administrations précédentes. Le 9 octobre 2019, l’OFAC s’est armée d’une nouvelle batterie de restrictions concernant certains envois de fonds, les remises de dons ou certains voyages non familiaux à Cuba. De même, la délivrance des licences spéciales, est dans la pratique, soumise à des délais insupportables, de manière à retarder l’acheminement de matériel médical ou alimentaire en cas de crise.
La crise actuelle révèle donc une fois de plus la nature criminelle du blocus américain contre Cuba. Pourtant, le peuple cubain reste debout, tandis que la communauté internationale félicite Cuba pour son système de santé. La poursuite du blocus contre Cuba ne repose d’ailleurs aujourd’hui que sur une fiction du droit international. En novembre 2019, 187 États membres des Nations unies voté contre, 2 se sont abstenus, et seuls 3 y étaient encore favorables.
Références :
https://history.state.gov/historicaldocuments/frus1958-60v06/d499
https://www.monde-diplomatique.fr/2011/12/LEMOINE/47069
https://www.monde-diplomatique.fr/2014/11/HOWLETT_MARTIN/50943